Le 22 novembre 2023, la Cour de cassation a rendu quatre arrêts relatifs à l’action en justice des syndicats pour la défense de l’intérêt collectif de la profession. Ces arrêts illustrent les conditions et les limites de cette action, qui constitue un moyen privilégié pour les syndicats de faire valoir les droits des salariés et de lutter contre les pratiques discriminatoires ou illicites des employeurs.
Dans deux arrêts (n° 22-11238 et n° 22-14807), la Cour de cassation a affirmé le droit des syndicats d’agir en justice pour faire reconnaître l’existence d’une inégalité de traitement entre les salariés au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles, ou au regard du principe d’égalité. Elle a ainsi validé l’action du syndicat CGT qui contestait le mode de calcul des augmentations générales de salaires au sein de la société Thalès, et celle de la fédération des services CFDT qui dénonçait l’absence de versement d’une prime de 13ème mois à certains salariés de la société TUI. La Cour de cassation a considéré que ces actions visaient à défendre l’intérêt collectif de la profession, et non pas les intérêts particuliers de quelques salariés, et qu’elles étaient donc recevables.
Toutefois, la Cour de cassation a également rappelé les limites de l’action syndicale en justice. Elle a ainsi précisé que les syndicats ne pouvaient pas demander, à l’occasion de leur action, la régularisation de la situation individuelle des salariés concernés par l’inégalité de traitement. En effet, les syndicats ne disposent pas d’un mandat des salariés pour agir en leur nom et pour leur compte. Ils ne peuvent donc pas solliciter le paiement de sommes dues aux salariés, ni la rectification de leurs bulletins de salaire. Ils peuvent seulement demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession, et qu’il soit enjoint à l’employeur de mettre fin à l’irrégularité constatée pour l’avenir, le cas échéant sous astreinte.
Dans les deux autres arrêts (n° 21-21.904 et n° 21-21.905), la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés par des salariés et un syndicat contre la société People & Baby, qui avait licencié plusieurs salariés pour avoir participé à une grève. La Cour de cassation a confirmé que le licenciement pour fait de grève était nul, mais elle a estimé que les salariés et le syndicat n’avaient pas apporté la preuve que le motif invoqué par l’employeur (la désorganisation du service) était en réalité un prétexte pour sanctionner l’exercice du droit de grève. Elle a donc validé les licenciements pour motif économique, en retenant que l’employeur avait respecté les règles de l’ordre des licenciements et du reclassement des salariés.
Ces arrêts montrent que la Cour de cassation reconnaît le rôle essentiel des syndicats dans la défense des droits des salariés, mais qu’elle leur impose aussi des exigences de preuve et de respect des procédures. Ils invitent les syndicats à être vigilants et à utiliser tous les moyens à leur disposition pour faire valoir leurs revendications et contester les décisions de l’employeur qui portent atteinte à l’intérêt collectif de la profession.