Avec l’arrêt du 2 juillet 2014, dit Molex, la Cour de cassation est venue forger la théorie du co-emploi.
Fortement critiquée, cette notion a fait l’objet de plusieurs évolutions jurisprudentielles qui ont progressivement conduit à en limiter la portée.
Le 25 novembre dernier, la chambre sociale est venue restreindre encore plus le périmètre de la notion. Si celle-ci ne disparaît, son application devient, en pratique, très restreinte.
Retour sur cette évolution jurisprudentielle majeure.
Qu’est-ce que le co-emploi ?
En règle générale, un salarié n’a qu’un seul employeur.
Néanmoins, et particulièrement dans les groupes de sociétés fortement intégrés, la jurisprudence a développé la théorie du co-emploi.
La finalité de la reconnaissance d’une situation de co-emploi consiste à obtenir la condamnation solidaire des deux co-employeurs, en les empêchant de restreindre artificiellement le périmètre de leurs obligations respectives.
Reconnue dans un groupe de sociétés, la situation de co-emploi peut notamment avoir les conséquences suivantes :
- Solidarité entre les différentes sociétés s’agissant de l’obligation de reclassement qui devront assumer les recherches de postes disponibles ;
- Appréciation de la validité du PSE au niveau de l’ensemble des sociétés reconnues co-employeurs ;
- Appréciation de la réalité du motif économique au niveau de l’ensemble des sociétés reconnues co-employeurs.
Des critères initiaux difficilement applicables
Jusqu’à présent, la caractérisation du co-emploi supposait la réunion de trois critères cumulatifs :
- Une confusion d’intérêts (passant notamment par la mise en avant de relations commerciales et / ou financières entre les deux sociétés) ;
- Une confusion d’activités (résultant notamment d’une interdépendance des activités et d’une dépendance économique de la filiale) ;
- La confusion de direction (passant par une ingérence anormale de la société fille qui ne dispose d’aucun pouvoir décisionnel).
Néanmoins, même si ces critères peuvent sembler clairs, la notion a finalement été peu appliquée par les magistrats. Ces derniers retenaient en effet une lecture particulièrement stricte de la notion.
En effet, la chambre sociale avait par exemple pu juger que des services commerciaux et administratifs communs, ainsi que des conventions de trésorerie ou de compensation ne permettaient pas de caractériser une situation de co-emploi (Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 17-28.150).
D’une manière plus générale, l’analyse de la jurisprudence révélait que les juges du fond n’arrivaient pas à appliquer de manière harmonisée les critères caractérisant une situation de co-emploi.
La nouvelle définition du co-emploi
Se posait de plus en plus la question de la définition du co-emploi au profit de la seule possibilité d’engager la responsabilité délictuelle des entreprises dont la responsabilité est recherchée.
Cependant, une telle hypothèse impose au salarié de saisir non plus le Conseil de prud’hommes mais le Tribunal Judiciaire. Cela alourdit la procédure et entraîne un coût supplémentaire pour le justiciable.
Tout en maintenant cette possibilité, la chambre sociale a décidé de ne pas abandonner la théorie du co-emploi qui peut être invoquée devant le Conseil de prud’hommes.
La Cour de cassation choisit donc d’abandonner le critère de la triple confusion « au profit d’une nouvelle définition du co-emploi se voulant plus explicite, fondée sur l’immixtion permanente de la société-mère dans la gestion économique et sociale et la perte totale d’autonomie d’action de la filiale ». La note explicative de la chambre sociale est d’ailleurs consultable à l’adresse suivante : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/notes_explicatives_7002/relative_arret_45980.html
La Cour de cassation retient désormais que c’est la perte d’autonomie d’action de la filiale, qui ne dispose pas du pouvoir réel de conduire ses affaires dans le domaine de la gestion économique et sociale, qui est déterminante dans la caractérisation d’une immixtion permanente anormale de la société-mère.
Ainsi, bien que non enterrée, la notion de co-emploi fait l’objet d’un resserrement certain. En cas de litige, il vous appartient de vous rapprocher de votre Conseil pour déterminer quelle action privilégier.